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Une grève légitime et effective

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Montréal, le 3 mars 2012


À l’administration de l’Université de Montréal et en particulier à son recteur, Monsieur Guy Breton,


Le 20 février dernier, alors qu’une dizaine d’associations départementales amorçaient la grève à l’UdeM, l’ensemble des étudiant-e-s ont reçu un courriel de la part de l'administration visant à faire connaître ses directives à propos de la grève étudiante :


Afin d'éviter toute ambiguïté, nous tenons à préciser que l'Université maintient toutes ses activités. Les cours, les évaluations et toutes les activités pédagogiques se donnent comme à l'habitude et au moment prévu, que vos associations aient voté ou non en faveur du boycott des cours. Nous avons demandé à nos enseignants de se présenter en classe et de livrer leur prestation d'enseignement.


Une telle directive s'explique par le fait que l'administration voit la grève étudiante uniquement comme un boycottage individuel appelé par une association étudiante, comme nous pouvons le lire dans une nouvelle directive émise le 27 février :


Les étudiants ont le droit de s'exprimer sur tout enjeu d'importance pour eux. En revanche, ils n'ont pas droit de grève, un droit qui est réservé aux employés d'une organisation liés par une convention collective. C'est pourquoi l'UdeM maintient toutes ses activités. Et c'est pourquoi les étudiants qui veulent continuer à suivre leurs cours doivent pouvoir le faire normalement et en toute sécurité.


Ce type de boycottage des cours sur une base volontaire n’est pas du tout le sens de l'action que les associations ont entreprise pour contrer la hausse des frais de scolarité. La grève étudiante ne relève pas d'un choix individuel, mais bien au contraire d'une prise de décision collective et démocratique. Réunis en assemblée générale dûment convoquée, les membres de chaque association débattent et élaborent en commun leurs revendications et les moyens d'action qu'ils veulent entreprendre. Ainsi, lorsqu'une grève est votée, tous les cours relevant de l'association étudiante sont piquetés, et ce de façon légitime, car les grévistes tiennent de leur assemblée le mandat d’employer les moyens nécessaires à la levée des cours. En s'assurant que les cours soient levés, l'association garantit qu'aucun-e étudiant-e ne sera pénalisé-e individuellement dans son parcours académique. Si la grève n’était qu’un appel au boycottage, notre moyen de pression perdrait toute sa pertinence et les étudiant-e-s activement impliqué-e-s seraient seul-e-s à payer le prix d’une lutte qui vise à faire bénéficier toute la collectivité du partage du savoir. Il importe de comprendre que la grève n’est pas seulement un moyen de pression en elle-même, mais qu’elle est aussi le seul moyen qui permet de libérer les étudiant-e-s de certaines contraintes temporelles et académiques afin qu'ils se consacrent activement aux actions politiques.


Ainsi, nous, associations en grève de l’UdeM, dénonçons ouvertement l’émission délibérée de telles directives de la part de l’administration. En cherchant à évacuer toute « ambiguïté », ces mesures entretiennent plutôt la désinformation sur la réalité effective de la grève. Contrairement à ce qu’affirme l’administration du haut de sa tour d’ivoire, dans les départements qui relèvent d’associations en grève, les activités pédagogiques, les évaluations et les cours ne se donnent pas. Concrètement, sur le terrain, des dizaines d’étudiant-e-s se présentent tous les jours devant les cours pour bloquer l’accès aux professeur-e-s, chargé-e-s de cours et autres étudiant-e-s afin de s’assurer que les cours n’aient pas lieu tant que la grève ne prendra pas fin. Les grévistes demeurent sur les lieux tant qu’ils n’ont pas l’assurance d’avoir accompli le mandat que leur a confié une assemblée générale qui a démocratiquement décidé de faire la grève. Pour une raison ou pour une autre, s’il s’avère qu’un cours se donne quand même, alors qu’il devrait être en grève, les étudiant-e-s feront tout en leur pouvoir pour lever le cours.


Certes, les associations étudiantes qui ont décidé de recourir à la grève savent très bien qu’aucune disposition légale n’encadre leur pratique, mais cela, comme nous l’avons expliqué plus tôt, n’enlève rien à la légitimité de leur geste et à leur détermination à faire valoir, par une résistance pacifique, leur pouvoir collectif sur la tenue des cours. On ne revendique pas le droit à la grève, on le prend. Ce courage politique est nécessaire à notre lutte, autant qu’il l’a été pour les précédentes luttes victorieuses des mouvements sociaux.
En appelant au respect « des droits des étudiants qui ont voté contre le boycott des cours », l’administration en appelle précisément à ce contre quoi nous nous battons : le clientélisme universitaire. En d’autres termes, nous refusons d’être des client-e-s de services éducatifs dûment payés par nos frais de scolarité. Et dans cet ordre d’idées, la grève est en elle-même l’occasion d’exiger de fait une redéfinition des rapports sociaux au sein de l’université : les étudiant-e-s constituent le cœur de l’Université et ont donc de hautes responsabilités envers elle, en premier lieu celle d’assurer sa survie en tant qu’institution publique, non en tant qu’entreprise. À cela s’ajoute le devoir de garantir l’ouverture de l’Université aux générations suivantes, à l’instar des générations précédentes qui se sont battues pour préserver l’accessibilité aux études sans laquelle nous ne serions peut-être pas ici en ce moment.


Alors que les associations étudiantes en grève ont appelé leurs membres à demeurer pacifiques sur les lignes de piquetage et en toute circonstance au courant de la grève, alors que le mouvement étudiant oriente sa lutte contre le gouvernement et non contre le personnel des établissements d'enseignement, l'administration de l’UdeM, par ses directives, instaure un climat de peur et d’hostilité entre les étudiant-e-s eux-mêmes, mais aussi entre les professeur-e-s, les chargé-e-s de cours et les étudiant-e-s. Déjà le 31 octobre 2011, l’administration donnait aux professeur-e-s des consignes dignes d’une ambiance de guerre civile : « Si les manifestants font preuve d’agressivité, fermez les stores ou les rideaux et éloignez-vous des fenêtres afin d’éviter d’être atteint par des projectiles ou des éclats de verre. » Une telle méfiance ne semble pas cohérente avec l’idée que les cours vont se donner « comme à l’habitude », c’est-à-dire dans le calme et la bonne entente. Nous tenons à rappeler que notre mouvement de grève vise à perturber le cours normal des choses afin de faire reculer le gouvernement sur la hausse des frais par une résistance pacifique. Il n’est donc pas du tout dans notre intention de nous attaquer à des individus en particulier, mais bien de nous assurer que notre action n’est pas un simple geste symbolique et exerce une réelle force de pression sur l’appareil administratif et étatique. En envoyant ces directives, l’administration tente délibérément de nier notre droit de grève, de casser notre mouvement et, ultimement, de s’assurer que la hausse soit bel et bien en vigueur dès l’automne 2012. Ces gestes déplorables visent en fait à intimider les étudiant-e-s, intimidation dont l’administration prétend paradoxalement nous protéger.


Nous exigeons donc que l’administration de l’UdeM cesse dès maintenant ces tentatives de briser la grève générale et fasse savoir aux étudiant-e-s que les cours ne se tiennent pas dans les départements en grève jusqu’à nouvel ordre. De surcroît, nous exigeons que les instances de l’UdeM se positionnent contre la hausse des frais de scolarité, afin de faire pression sur le gouvernement pour qu’il recule sur cette mesure, ce qui nous permettrait de retourner plus rapidement en classe.


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